Récit parcellaire d’une affaire de charogne

Les quelques lignes qui suivent sont issues de paroles rapportées mais relatent des faits avérés. Il faut les lire comme telles, quelque part entre la réalité et la fiction. Telles sont les conséquences de l’interminable huis clos infligé à notre ami Loïc, incarcéré depuis 10 mois et jugé depuis décembre à Hambourg en Allemagne.

Au tribunal de Hambourg, les audiences étaient émaillées de multiples pauses. Durant les premières semaines, Loïc se voyait systématiquement extrait de la salle et emmené par des surveillants dans une petite cellule à proximité. Il devait attendre là la reprise des débats et ce ballet de portes et de verrous pouvait s’exécuter plusieurs fois par jour. On ne sait si c’est l’absurdité de la chose ou bien la bonne conduite de notre ami qui vinrent à bout de ce rituel idiot mais toujours est-il que la pratique cessa au bout de quelques temps. Loïc patientait désormais dans la salle d’audience jusqu’au retour de la cour et des jurés, en compagnie de ses avocats et des autres inculpés. Et puis, récemment, il eut la mauvaise surprise de se voir emmener de nouveau dans la coulisse du tribunal par quelques gardes plus zélés que les autres. Ils le conduisirent dans une cellule encore plus exiguë, plus sombre qu’à l’accoutumée. Un cachot, faudrait-il plutôt écrire. Ce cachot, il n’avait pas encore eu le loisir de le visiter et lorsqu’il y a entra contre son gré, il baignait dans une faible lueur et une odeur pestilentielle.

On ne sait combien de temps dura cet internement qui devait avoir le goût à présent familier de l’arbitraire. Quand ils ouvrirent la porte pour l’extraire, Loïc fit probablement remarquer aux surveillants combien la cellule était indigne. Jamais il n’en avait fréquenté d’aussi répugnante. Dans un allemand parfois hésitant, il les invita peut-être à entrer pour constater par eux-mêmes mais ils le repoussèrent vigoureusement dans le dos. On imagine la morgue se faufilant sur ces visages endurcis. Ils accompagnèrent l’accusé jusqu’à sa place puis reprirent position de chaque côté de la porte. Si quelqu’un, alors, avait regardé ces agents de la pénitentiaire, il aurait pu voir qu’ils ne parvenaient pas à masquer la satisfaction d’avoir joué ce qui pour eux n’était qu’un mauvais tour. Mais personne, bien entendu, ne les regarda. On ne les regardait jamais que quand ils sortaient les muscles. Dans ce décor grandiloquent, ils étaient comme des lustres suspendus au dessus de l’assemblée, le faste des dorures en moins.

Les débats reprirent leurs cours. On ne sait quel obscur point de détail avait occupé les magistrats durant l’heure précédente mais ils commencèrent à exposer leurs conclusions. Il est vraisemblable que l’attention n’était pas à son comble. La ferveur qui avait accompagné l’ouverture du procès avait cédé la place à une routine besogneuse. Les avocats notaient les alinéas cités, les accusés s’en remettaient à eux et Loïc écoutait les explications de l’interprète assise à sa gauche. On ne sait qui, parmi la vingtaine de personnes présentes, nota en premier l’odeur fétide qui s’étirait depuis le fond de la salle. Elle se répandait comme une rumeur nauséabonde. Les têtes se tournaient, elles gigotaient, se penchaient piteusement à la recherche d’une explication. Alors la juge s’interrompit. Avec son air de professeure de biologie en fin de carrière elle interrogea l’assistance sur ce qui la distrayait de la sorte. On chercha une manière adéquate pour l’informer du désagrément. L’un des deux procureurs proposa peut-être avec euphémisme que l’on ouvrit grand les fenêtres. Chacun tournait autour du pot. La juge excédée réclamait un peu d’apaisement lorsque le relent suspect se hissa jusqu’à son piédestal. Elle s’en offusqua dans un langage fleuri. Elle ne ratait jamais une occasion de s’échapper brièvement de son rôle. Cela déclenchait quelques rires, elle témoignait ainsi de son humanité et tentait de susciter un élan d’empathie parmi celles et ceux, au pied de l’estrade, qui faisaient office de sujets pour sa cour. On ouvrit les fenêtres.

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Sur le pouce #5 – « Un truc de ouf »

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Cinquième volet d’une tentative d’analyse gonzo de l’autostop commencée il y a déjà quelques temps.

Paris est une putain de machine à laver. Y revenir m’a toujours fait cet effet. Il suffit de descendre par la première bouche de métro venue pour que s’évaporent les quelques onces de fraîcheur grappillées à l’air libre et qu’elles se dissolvent dans les molécules de pisse javellisée qui suintent des milliers de carreaux blancs. J’hésite, grimpe dans une rame. L’oxygène déjà se fait plus rare. La promiscuité forcée – cette intimité coutumière aux gens de la ville – renvoie mon corps atomisé à ses destinées collectives et suantes. Je pourrais encore m’extraire mais l’alarme stride son signal indicatif. Trop tard. Et c’est comme si Serge en personne, avec son air de lapin maso qui n’en finit plus de se coincer les doigts dans la porte, me poussait à l’intérieur du tambour et claquait le hublot. Le programme est lancé. Il n’y a plus qu’à se laisser rudoyer, tenter au mieux d’anticiper les cahots. Je connais trop le secteur pour espérer m’en tirer sans accroc.

Car le monde est ainsi fait que la Terre tourne autour de l’astre solaire comme la France autour de sa capitale. Et nos rêves se meurent sous un pont du périphérique comme l’autoroute du Soleil. J’ai fui Paris par ses quatre points cardinaux. Chaque fois, j’y suis revenu. Et chaque fois, y revenir devait être une suffocation préméditée. Au fil des ans, j’ai conçu des stratégies censées atténuer la brutalité du choc. Le jeu consiste à rester avec vous, dans votre bagnole, le plus longtemps possible. Retarder au maximum l’entrée en contact et la première bouffée de particules fines. J’ai établi mon high score en la matière par un dimanche d’hiver. Après une heure d’attente sur l’Aire des Portes d’Angers, un couple accepte de serrer ses têtes blondes pour me faire une place à l’arrière du monospace. J’indique Paris, vaguement. Quatre heures plus tard, je suis devant la porte, livré à domicile comme une pizza tiède. La famille parfaite habite à deux rues de ma destination. Je sais que je viens d’atteindre un sommet que j’aurai du mal à égaler. (suite…)

Le gendarme et le désert nucléaire

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Ce récit est disponible en brochure de 24 pages illustrées :
Version cahier à imprimer (pdf – 2,8Mo)
Version page par page à lire sur écran (pdf – 3,9Mo)
Versions haute qualité sur demande (codex43@riseup.net) !

Les faits relatés ici sont vrais. Par prudence – ce dossier étant désormais entre les mains de la justice – certains détails ont cependant été modifiés. Ainsi et afin de ne pas alerter les fins limiers en charge de cette enquête périlleuse, le laboratoire, acteur central de la farce qui suit, sera dissimulé derrière un judicieux acronyme.

Mimi étire ses pattes avant sur le bureau. Elle glisse légèrement sur le faux bois en plastique, bâille et cambre le dos. Déjà la quatrième sieste depuis ce matin. C’est toujours la même affaire quand Roger n’est pas de service. Il laisse son ordinateur portable ouvert à côté de la fenêtre, alors elle passe sa journée là, blottie entre l’écran et le clavier, à lézarder sur l’azerty. Elle y serait restée encore une heure ou deux si les rayons de soleil ne commençaient à lui griller sérieusement les moustaches. Plus l’habitude. Elle jette un coup d’oeil à travers les rideaux moches suspendus à des tringles argentées. Si c’est pas l’été, ça y ressemble ! Bien cru qu’il n’arriverait jamais celui-ci…

La chatte bondit sur le carrelage de la gendarmerie de province avec cette grâce qui rappelle que la domestication n’est qu’un leurre. Son animalité, même contenue, dénote dans ce décor de carton-pâte où l’austère le dispute au grotesque. Elle contourne une botte avec indifférence et prend la porte de sortie. Cette taule minable où elle a atterri elle ne se souvient plus trop comment, Mimi la connaît par cœur, sur le bout des griffes. Elle descend les trois marches qui mènent au jardin et passe, sans émoi, sous le canon pointé d’un fusil d’assaut.

— Tiens v’là Mimi ! lâche le porte-flingue.
— Il a la queue coupée votre chat ? s’étonne la suspecte.
—  Non non, elle l’a sûrement oubliée à l’intérieur…

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Lettre à un.e détenu.e

Salut l’ami.e,

Il y a quelques temps, lorsque le copain qui t’écrit cette lettre m’a proposé d’ajouter quelques lignes, j’ai accepté non sans appréhension. Que savais-je, moi, de l’enfermement ? Tout au plus une poignée d’heures régulièrement perdues en compagnie d’officiers hargneux et de trouffions désespérement bêtes. Rien qui ne me donne les moyens d’imaginer ce que peuvent être tes pensées, ton histoire, ton quotidien entre ces murs haïs.

Aujourd’hui j’ai lu – et c’était paraît-il les paroles rapportées d’un gendarme dans les entrailles du dépôt d’un palais de justice – que l’on ne sait rien de la liberté sans en avoir été privé. Nul doute qu’il s’agissait là d’une piètre provocation de la part du garde-chiourme mais la pensée vaut peut-être d’être creusée. Que sais-je de la liberté ? Le souvenir des grands espaces, des horizons à perte de vue. Le goût persistant d’une passion amoureuse parvenue à son point d’orgue sans que personne ne s’en soit encore aperçu. Cette liberté-ci est sensorielle. Elle n’est que l’exaltation de moi-même face à la nature, face à l’autre et partout elle me crie son incomplétude. Je ne suis pas libre puisque tu es enfermé.e. Je ne me déplace sans contrainte que parce que je suis « bien né ». C’est parce que je suis inscrit à la bonne page, dans le bon registre, que les frontières ne me retiennent jamais trop longtemps dans leurs filets ensanglantés. Je ne suis pas libre si je suis le seul. Et quand bien même nous serions des milliers !

Ma liberté est un artifice, comme ces lacs paisibles et luxuriants que l’on remplit à la périphérie des villes sur les ruines d’une carrière de pierre ou en amont d’un barrage. Si je prends cet artifice pour la belle idée que l’on m’exhibe en devise, alors je signe la paix sociale. Or, il m’est impensable d’accepter une telle reddition et j’imagine qu’il en va de même pour toi.

C’est ainsi, je ne peux te parler ni de la liberté, ni de sa privation, ni du dehors, ni du dedans. Il me reste à te raconter ce que je vois depuis le poste qui est le mien. Sais-tu que le vent souffle un peu plus fort ces derniers temps ? Je ne saurais dire si la tempête viendra mais au moins avons nous vécu quelques réjouissantes bourrasques. Elles ont emporté sur leur passage des vitres, des voitures et pour ceux qui nous rejoignent, la conviction qu’il subsistait une forme de légitimité à l’ordre établi. Ce n’est peut-être qu’un préambule mais il est nécessaire pour rendre ce monde habitable en attendant la suite.

Quelle que soit l’ardeur qu’ils mettent à les construire, tous les murs sont faits pour tomber un jour. Sois sûr.e que c’est à cette fin que nous nous attelons sans relâche.

De tout cœur,

B.

 

Photo/ Vue aérienne de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis

Ces graines qu’ils sèment

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C’était devenu une obsession, un crève-coeur, un running gag désespérant, une chimère à poursuivre. Depuis quelques jours, c’est un petit carton rangé dans un coin du salon. À l’intérieur dorment les 98 exemplaires uniques de Ces graines qu’ils sèment, brochure de 48 pages au presque format A5.

Au départ il y a une envie – pas si ambitieuse que cela – celle de matérialiser en un bel objet la jolie expérience partagée ici durant mes séjours mexicains. Et puis il y a la fabrication. Sélection des textes, relectures, corrections, illustrations, mise en page. Tout cela prend du temps. Il faut reprendre en main des outils oubliés, se tromper, calculer, réessayer, demander de l’aide aux copains. Un soir enfin, tout est prêt dans la machine, fichier sauvegardé. On est deux, on se regarde, on se dit que c’est du bon boulot, qu’on va pouvoir commencer à chercher un imprimeur, qu’en janvier c’est plié. Nous sommes le 13 novembre et dans une heure Ces graines vont sombrer dans les oubliettes de l’état d’urgence.

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Sur le pouce #4 – La java des déchets atomiques

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Quatrième volet d’une tentative d’analyse gonzo de l’autostop ou comment je suis devenu antinucléaire en une demi-journée.

Vous êtes au volant de votre bagnole. Il fait bon, le souffle exhalé par le radiateur vous chauffe le visage, la radio ressasse les mêmes infos tous les quarts d’heure. Soudain, vous apercevez au loin une figure oubliée, douce réminiscence de votre jeunesse désargentée. Tiens, on n’en croise plus très souvent des autostoppeurs, vous dîtes à voix haute. Une seconde d’hésitation et vous vous arrêtez à hauteur de l’individu visiblement transi de froid :
– Alors, on va où comme ça ?
– À Bure.
– À quoi ?
– À Bure.

Le dialogue prend une tournure surréaliste. Vous décidez de partir, désappointé.

En stop, chaque destination possède un rayonnement, en fonction de sa taille, de sa renommée, de ses fleurons touristiques (ou, nous allons le voir, de son niveau de radioactivité). Au départ de n’importe quelle ville de l’hexagone, on peut par exemple annoncer Paris sans trop se risquer. Cela se complique lorsque l’objectif est de rallier un bourg de quatre-vingt habitants ravitaillés par les corbeaux. Comme Bure.

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Gravures et gribouillis

Il y a désormais un onglet « Illustrations » dans la barre de menu de Codex43.

C’est là, juste au dessus. Ou alors par ici.

Jetez-y un œil en attendant l’arrivée sous peu d’une version papier de quelques textes déjà publiés ici (mais pas seulement), illustrés à la main, à la gouge et avec amour.

 

 

Une semaine après la guerre

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C’est arrivé comme un changement d’année, à minuit pile. Pour ceux qui, comme moi, étaient alors rivés sur leurs radios, il y a même eu un compte à rebours. Le Président allait parler, il était en passe de parler, il s’apprêtait à commencer à parler et puis voilà, il a parlé. Et tout d’un coup nous étions en guerre. Tous. Les salopards qui fusillaient encore au Bataclan à ce moment-là et ceux qui se lançaient à l’assaut de la salle de spectacle, bien sûr. Mais pas seulement. Nous étions tous en guerre. Lui dans son petit costume noir, moi, avachi dans mon fauteuil, une bouteille de rouge à la main et puis vous tous, ceux qui dormaient et ceux qui veillaient, ceux qui pleuraient leurs proches et ceux qui, hébétés sur un trottoir parisien regardaient le bal des gyrophares dans la nuit : tous ensemble, nous sommes entrés en guerre.

Depuis l’annonce est répétée à longueur d’ondes. Les chefs de guerre sont sur le pied de guerre et ils informent les citoyens du changement fondamental survenu durant cette nuit tellement plus noire que les autres. C’est la nature même de notre situation collective qui aurait été bouleversée. Il y a pourtant peu de chance pour que les historiens du futur ne situent le début de quelque guerre que ce soit en ce 13 novembre 2015. Car que s’est-il passé au juste ? Les suppositions sont devenues réalité, les menaces des actes. Et une poignée de vivants – toujours trop grande, toujours surnuméraire – des morts. C’est tragique. C’est dégueulasse. Chaque vie dérobée de la sorte, quel qu’en soit le motif, est une insulte faite à l’humanité. Est-ce pour autant une surprise ? L’observateur assidu peut être choqué, révulsé par ce déchaînement de violence et par l’abîme vers lequel se dirige le monde aujourd’hui. Il ne peut pas en revanche être surpris. C’est impossible. D’autres l’ont expliqué mieux que je ne saurais le faire mais je ne crois pas qu’il faille être un cador de l’antiterrorisme ou un ancien otage pour avoir vu arriver ces attaques[1]. D’où je conclus que les décisions et politiques mises en branle depuis vendredi ne sont pas le fruit d’une réactivité, d’une gestion de crise, d’une adaptabilité remarquables de la part de nos gouvernants. Et ce n’est pas être conspirationniste que de le croire. Cette menace était réelle et connue, il serait incongru d’imaginer que le scénario qui se déroule à présent n’a pas été pensé en amont. On ne déclare pas la guerre à la légère ou sous l’effet de l’émotion et de la colère. On ne s’engage pas seul dans une rhétorique belliciste lorsque l’on dirige un État.

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Au nom du pair

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Anticlérical fanatique, 
gros mangeur d’ecclésiastiques,
cet aveu me coûte beaucoup…

Oscar lève la tête. Il détache un court instant son regard des fidèles massés à ses pieds. Il a le sentiment qu’on l’observe. Évidemment qu’ils l’observent, ils ont parcouru des dizaines de kilomètres rien que pour cela, apercevoir, écouter le vieil homme dont la voix porte leurs maux. Le Christ cloué derrière l’autel aurait l’idée saugrenue de descendre de sa croix qu’ils ne lui prêteraient guère plus d’attention. C’est lui qu’ils scrutent dans un mélange d’espoir et d’admiration. Leurs milliers d’yeux l’enveloppent d’une même chape d’amour sans parvenir à étouffer ce pressentiment qui le trouble. Oscar hausse de nouveau le menton. Là-bas la poussière s’est soudain mise à voler. Infime, à peine visible, elle danse dans le halo jaune qui vient mourir sur le carrelage froid de la chapelle. La lourde porte s’entrouvre. Ses gonds gémissent dans un grincement que lui seul semble remarquer. Il voit maintenant l’ombre se glisser dans la lumière. Il ne voit pas le visage, il voit les bras se tendre, la silhouette se figer. Ils ont envoyé un professionnel. La poudre siffle sous la charpente de bois. Il ferme les yeux et sent son cœur exploser. Il y a des cris, des larmes, des ripostes déjà, mais tout cela ne peut plus que l’effleurer. Le pain béni est piétiné par la foule. Sur la chasuble cousue de fils d’or, le vin du calice se mêle lentement au sang du curé.

*

Trente-cinq ans ont passé depuis l’assassinat d’Oscar Romero, archevêque de San Salvador. Le sang a séché, la guerre civile a pris fin, les charrettes de cadavres ont cessé de verser leurs occupants au fond des charniers. Le pitoyable spectacle de la réconciliation nationale a encore été donné. On a serré des mains, invité des dignitaires étrangers à s’extasier sur le processus électoral. La paix s’est soldée en hautes sphères, renvoyant au fond de leurs jungles des paysans désarmés, éternelle chair à révolution prête à se voiler de crêpe noir pour ceux qui finissent invariablement par la cocufier. (suite…)

Sur le pouce #3 – Vos cauchemars sont nos rêves

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Trente mille kilomètres dans vos bagnoles, ça en fait un paquet d’histoires. Tentative d’analyse gonzo de l’autostop. Troisième volet.

Jésus m’a offert deux bouteilles de pinard. Et du bon, en plus, du La Rioja de la fin du siècle dernier. Il n’avait pas encore trente-trois piges et était déjà pansu comme un bonze. Ses joues rondes remontant jusqu’au dessous des paupières lui faisaient de petits yeux rieurs. Il avait l’air heureux Jésus et nous, on ne l’a même pas vu arriver. La déprime nous avait cloués au sol, ma coéquipière et moi, un bout de carton entre les mains et la mine défaite. C’était un de ces moments où tu n’y crois plus du tout. T’as fini de sourire aux auto comme un débile, fini de chanter, fini de danser en espérant que ça plaide en ta faveur. T’as même fini de faire des ricochets dans les panneaux directionnels pour évacuer ta rancoeur. Dans une bédé, on te dessinerait avec un nuage gris au-dessus de la tête pour rendre au mieux ton état d’esprit. Et puis soudain Vamos a Salamanca !, l’aventure commence.

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